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La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole


Le dépistage a sauvé ma vie

Dans cette nouvelle rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein

Par Adriana Ermter

J’avais cinq ans quand je tombai de la balançoire dans ma cour arrière. Mon côté droit encaissa le choc. Je ne sais pas comment je me retrouvai suspendue à la barre supérieure transversale, la tête en bas, sans supervision, mais je crois qu’on peut dire sans se tromper que j’imitais ma grande sœur et ses camarades de jeu. J’étais déjà très compétitive. Dès qu’une personne accomplissait quelque chose, je voulais prouver que moi aussi j’en étais capable. Mon entêtement se traduisit par un coude droit brisé, une écharpe et un plâtre. Tout l’été, je dus (sup)porter mon plâtre chaud et les démangeaisons qui l’accompagnaient, non sans me plaindre. Cet accident me laissa avec une double articulation au coude qui deviendra l’ennemie de mes entraîneurs de nage synchronisée. Du bord de la piscine, ils me criaient de garder mon bras droit bien droit, mais cette double articulation rendait la tâche ardue. Nous reviendrons plus tard à la nage synchronisée.

Ainsi, l’aspirante trapéziste de cinq ans que j’étais dut se soumettre à une série de radiographies pour exclure toute possibilité de fractures du crâne et confirmer la fracture du coude droit qui, une fois les os replacés, fut maintenu immobile par le plâtre mentionné plus haut. J’insiste ici sur le caractère essentiel des tests médicaux pour la survie. Point final. Surtout s’il est question de cancer du sein. Il n’est donc pas étonnant que, en tant que survivante du cancer du sein, je sois plus qu’irritée de la position du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs qui recommande aux médecins et aux hôpitaux de réduire l’accès des femmes aux tests de dépistage du cancer du sein qui peuvent sauver des vies.

Mises à jour sur le dépistage du cancer du sein

Selon les lignes directrices du Groupe d’étude canadien, la nouvelle recommandation touchant le dépistage du cancer du sein chez les femmes de 50 à 69 ans est d’une mammographie tous les 2 à 3 ans. En ce moment, une mammographie annuelle est de mise. Les autres tests comme l’échographie et l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) sont maintenant considérés comme inutiles à moins qu’un médecin les juge nécessaires. Si vous avez moins de 50 ans, vous devrez faire une croix sur un test de dépistage, à moins d’avoir des antécédents familiaux de cancer du sein ou des symptômes de la maladie.

Le raisonnement est que le dépistage mène à un surdiagnostic qui se traduit par un traitement contre un cancer qui n’aurait pas causé de tort à une femme au cours de sa vie d’une part et par des répercussions physiques et psychologiques associées aux faux positifs. Personnellement, si mes médecins m’avaient dit que mon diagnostic constituait un « faux positif », la seule conséquence aurait été des muscles faciaux douloureux d’avoir autant souri et peut-être une gueule de bois aux relents de margaritas. Toutes les femmes à qui j’ai parlé ont affirmé qu’elles veulent savoir si elles ont le cancer et qu’elles en ont le droit, peu importe le résultat.

Un sondage révèle que…

En 2019, un sondage national mené aux États-Unis sur le site cancer.net a recueilli l’opinion d’Américains sur le cancer. Six personnes sur dix ont déclaré être inquiètes de développer un cancer. Par ailleurs, un sondage mondial effectué en 2017 par Avon Worldwide indique que l’Organisation mondiale de la Santé estime que le cancer du sein tue annuellement plus de 500 000 femmes partout dans le monde.

Ahurissant, n’est-ce pas ? D’autant plus que la plupart des médecins vous diront que le cancer du sein représente l’un des « meilleurs cancers » à avoir — quoique seulement aux stades I et II — puisque de nombreuses avancées scientifiques ont été réalisées. C’est là que je remercie les grandes compagnies comme Avon, Estée Lauder, CIBC and Proctor & Gamble d’avoir encouragé sans relâche la cause, la recherche et la sensibilisation à cette maladie de manière à fournir beaucoup d’informations. Le sondage d’Avon en constitue un exemple probant. Il révèle que l’Organisation mondiale de la Santé affirme que le nombre de décès annuels dus à la maladie, qui est d’un demi-million en ce moment, pourrait se voir considérablement réduit si le cancer était découvert à un stade plus précoce.

Deux expressions retiennent mon attention ici. La première qui me préoccupe est « pourrait » parce que la Société canadienne du cancer classe le cancer du sein comme la deuxième principale cause de décès dû au cancer chez les femmes. En moyenne, 75 femmes reçoivent ce diagnostic et 14 en meurent quotidiennement. Le deuxième groupe de mots est « considérablement réduit si le cancer était découvert à un stade plus précoce ». Cette affirmation se retrouve dans un rapport spécial produit par la Société canadienne du cancer et le gouvernement du Canada en 2018. Il y est rapporté que plus de 80 % des cancers du sein chez la femme diagnostiqués à un stade précoce (stade I ou II) sont le résultat probable d’une détection précoce par l’entremise d’un programme de dépistage du cancer du sein.

Je fais partie de ces 80 %. Grâce à cinq mammographies, sept échographies et trois examens d’IRM, je vis sans cancer depuis un an. Je dois toutefois subir ces tests d’imagerie tous les trois mois puisque je présente maintenant un risque élevé.

Mes antécédents

Je grandis à Calgary, en Alberta, où le ciel est bleu, l’air est pur et les barres transversales des balançoires ne devraient pas servir de trapèzes.

À quinze ans, je tombai malade. Mes parents pensaient qu’il s’agissait d’une grosse grippe, alors ma mère m’amena à l’hôpital. Après ce qui me sembla un million de tests, je subis une intervention chirurgicale d’urgence. Il appert que je n’avais pas la grippe. Les médecins trouvèrent plutôt un kyste de la grosseur d’un pamplemousse situé près de mon ovaire et de ma trompe de Fallope gauches.

Vous pourriez croire qu’à cinq pieds six pouces et 96 livres mouillée, j’aurais pu voir un renflement dans le bas de mon maigre ventre, mais ce ne fut pas le cas. Par chance, le kyste était bénin et il fut retiré avant de se rompre et de répandre son contenu toxique. Son ablation, sa grosseur et sa présence complètement aléatoire jumelées à mon âge firent de moi une anomalie à l’hôpital. Une multitude de médecins venaient à mon chevet chaque jour pour consulter mon dossier, parler entre eux et féliciter le chirurgien qui avait eu le flair de prescrire l’échographie qui permit de trouver le kyste. Deux mois plus tard, j’étais de retour à la normale et dans la piscine. Deux ans plus tard, je ressentis à nouveau des symptômes semblables à une grippe. Une échographie confirma qu’un autre kyste, plus petit que le premier, avait fait son apparition sans raison pratiquement au même endroit. Il fut enlevé et ma vie se poursuivit.

Je terminai mon secondaire et je pris une année sabbatique pour faire du mannequinat pour des compagnies comme Beeman’s Gum, Mountain Magic et le Calgary Herald et pour répondre « happy paddling, Beaver Canoe » aux clients qui appelaient au magasin pour lequel je travaillais. Après deux années d’étude en traduction à l’Université de Calgary et de travail acharné pour obtenir ma certification d’entraîneuse de niveau national en nage synchronisée, je présentai une demande d’admission à l’Université Ryerson de Toronto. Je fus au nombre des 120 étudiants acceptés dans le programme Radio & Television Arts parmi 3500 postulants. Je bouclai mes valises et partis.

Pour payer mes études, je travaillai vingt heures par semaine comme entraîneuse de nage synchronisée de niveau national et je vendis des vêtements de cuir et de suède les dimanches au Danier. Je réussis à terminer mon baccalauréat en arts appliqués en trois ans au lieu des quatre habituels. J’obtins mon diplôme et je décrochai un premier, puis un deuxième et un troisième emploi. Six ans plus tard, avec une expérience à titre de directrice de production associée en télévision en poche, j’effectuai un retour aux études à l’université. Cinq soirs par semaine, j’étudiai sans relâche pour tout apprendre sur l’édition de magazines. Puis, ce fut en commençant à nouveau au bas de l’échelle que je parvins à devenir rédactrice principale et éditrice pour des magazines et des journaux comme Salon, FASHION, Flare, Chatelaine, Childview, Figure Skater Fitness, National Post pour ne nommer que ceux-là.

Un deux, un deux, test, test

Tout allait comme sur des roulettes (à part un tristement douloureux divorce, mais ça, c’est une autre histoire) jusqu’à ce que je remarque une bosse sous mon aisselle droite alors que je travaillais à Amman, en Jordanie. Je savais que c’était anormal, mais m’inquiéter d’une bosse pendant que j’effectuais des reportages sur les enfants déplacés qui vivaient dans les camps de réfugiés me parut plutôt égocentrique.

De retour à Toronto, je la fis examiner. Mon médecin de famille me renvoya à un spécialiste d’une clinique de dépistage des maladies du sein du centre-ville. Je remplis tous les formulaires au sujet du cancer du sein, mais aucune de mes réponses ne correspondait aux exigences préalables d’Action Cancer Ontario pour obtenir un examen préliminaire. Je ne pouvais pas cocher les cases qui m’auraient rendue admissible à une mammographie, une échographie ou un examen d’IRM.

Non, je n’étais pas âgée de 50 ans ou plus.

Non, je n’avais pas d’antécédents familiaux de cancer du sein.

Non, je n’étais pas comme Angelina Jolie, c’est-à-dire que je n’étais pas porteuse d’une mutation du gène BRCA1 ou même du BRCA2 qui augmenterait mon risque de souffrir d’un cancer du sein. (Bon, le formulaire ne mentionnait pas Angelina Jolie… Mais puisqu’elle a ouvertement déclaré être porteuse d’une mutation du gène BRCA1 et avoir subi une mastectomie, je considère que dans la culture populaire, elle est aussi associée au cancer du sein qu’elle l’est à Brad Pitt, au port de fioles de sang comme bijoux et au fait d’embrasser son frère en public.)

Non, aucun de mes seins ne faisait mal, n’était enflé ou n’avait une couleur anormale.

Non, je n’avais pas subi une radiothérapie avant d’avoir atteint l’âge de trente ans ou il y a 8 ans ou plus.

Non, je n’avais jamais reçu un diagnostic de cancer quel qu’il soit.

Lorsque je remis les formulaires, les médecins me regardèrent comme si je n’avais rien à faire là. Puis, ils formèrent un groupe dans le couloir, à trois pieds de distance de moi, puis ils lurent les renseignements fournis et en discutèrent. Ils jugeaient, à tort, que je n’avais pas besoin d’être soumise à des tests.

Je ne reposais peut-être pas face contre terre dans la cour arrière de mes parents ou perdais sporadiquement conscience dans l’aile dédiée aux enfants d’un hôpital de Calgary, mais j’étais déjà passée par là. J’étais catégorique : la bosse grosse comme un pois qui avait élu domicile dans mon aisselle devait partir. Après tout, si mes blessures et fractures précédentes prouvaient une chose, c’est qu’on ne me tuerait pas aisément, à l’instar de Molly Bloom dans Le jeu de Molly. Du moins, pas quand j’avais la possibilité de subir les bons tests et d’obtenir les soins appropriés.

Le cancer du sein demeure sournois

Le problème avec le cancer, c’est qu’il est aléatoire. Vous ne pouvez pas l’attribuer à votre vingtaine parfumée à la cigarette et l’alcool. (J’ai posé la question.) Vous ne pouvez pas non plus pointer du doigt votre choix de déodorant ou d’antisudorifique, votre consommation de sucre, l’absence de grossesses ou tout autre mythe médical qui s’est frayé un chemin dans le cyberespace. Les preuves manquent. Bien que votre ADN puisse augmenter votre risque et que le stress quotidien, la pollution environnementale, les mariages et les accouchements tardifs fassent l’objet de recherches, la dure réalité demeure : le cancer du sein est sournois et un diagnostic précoce peut constituer le meilleur moyen de vous en sortir.

Un diagnostic précoce s’avère également logique d’un point de vue financier. Selon l’European Journal of Cancer, le coût d’un cancer du sein de stade I au Canada s’élève à environ 23 275 $ au cours d’une vie alors qu’un cancer de stade IV ou métastatique représente 36 340 $. Si l’on considère que n’importe qui constitue un candidat potentiel, comme moi et mon coude brisé, mes kystes ovariens et ma bosse sous l’aisselle, le dépistage devient essentiel.

J’ai récemment signé une pétition mise en ligne par Seins denses Canada qui milite en ce sens. Je désire que les mammographies, les échographies, les examens d’imagerie par résonnance magnétique et les autres tests soient offerts, sans égard à l’âge de la personne. Et, plus important encore, tout comme vous et toutes les femmes du monde, je mérite d’obtenir les tests dont j’ai besoin à l’âge que je juge approprié pour m’assurer une vie sans cancer.

Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Figure Skater Fitness, Canadian Hairdresser et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec sa chatte très gâtée Trixie-Belle. Vous pouvez la suivre sur Instagram au @AdrianaErmter, au Twitter @AErmter

Photo par Mara Tanney