Par Adriana Ermter
Dans notre rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein.
J’avale un grand verre d’eau. Brûlures d’estomac. Je me réveille au milieu de la nuit. Brûlures d’estomac. Je fais des longueurs à la piscine. Brûlures d’estomac. Je ne sais pas quels vêtements porter, je suis dans les embouteillages ou j’ai peur que le cancer revienne. Brûlures d’estomac.
Ce n’est qu’après avoir appris que j’avais un cancer du sein, avoir été opérée et avoir suivi les traitements que la sensation de brûlure dans la gorge et la poitrine, inconfortable, sèche et toujours en feu des brûlures d’estomac, est devenue une constante dans ma vie. Cela fait moins de dix ans que je n’ai plus de cancer, mais je transporte toujours une boîte de Tums dans mon sac-ceinture noir Everywhere de Lululemon.
Bien que mes médecins aient reconnu que ce symptôme pouvait survenir et que l’American Cancer Society indique sur son site Internet que le cancer et ses traitements peuvent provoquer des brûlures d’estomac, je n’ai toujours aucune réponse définitive à mes questions : combien de temps vont-elles durer? à quelle fréquence surviennent-elles? et quand disparaîtront-elles?
Comme leur nom l’indique, les brûlures d’estomac sont des brûlures lentes qui vous surprennent, des visiteuses indésirables qui ne sont pas les bienvenues. Techniquement, elles sont causées par le reflux de l’acide gastrique dans l’œsophage, ce mince tube qui relie la bouche à l’estomac. Lorsque le sphincter œsophagien inférieur — un anneau musculaire qui agit comme un couvercle — est affaibli ou se détend alors qu’il ne le devrait pas, l’acide remonte. C’est alors que les brûlures, la douleur et la pression s’installent. Les miennes ressemblent toujours à un poing qui appuie sur ma poitrine, entre les deux seins, avant que le feu remonte vers le haut. Pour d’autres femmes confrontées à la maladie, c’est comme une boule dans la gorge ou une brûlure sourde qui remonte dans la bouche. Comme cela fait six ans que j’ai des brûlures d’estomac, je sais que je prends des risques lorsque je dîne trop tard, que je bois un verre ou deux de vin (le vin blanc est pire que le vin rouge pour moi), ou que je stresse à l’idée de payer les factures ou de faire mes valises pour un voyage.
Selon la Fondation canadienne de la santé digestive — et mon fidèle protecteur, Tums, plus de cinq millions de personnes au Canada souffrent de brûlures d’estomac au moins une fois par semaine et environ 20 % d’entre elles présentent des symptômes chroniques. Selon eux, l’alimentation et le mode de vie, tels que la suralimentation, le fait de s’allonger trop tôt après les repas, la consommation d’alcool, le tabagisme et le surpoids, peuvent aggraver les symptômes. Santé Canada recommande de manger des repas moins copieux, d’éviter les déclencheurs connus comme les aliments épicés et le café, et de surélever la tête pendant le sommeil. Il n’empêche que ça continue de m’embêter.
Je ne bois qu’une seule grande tasse de café le matin et le café que je prends est biologique, ce qui réduit l’acidité qui déclenche les brûlures d’estomac. Je ne fume pas et, bien que je sois encore à 18 kg de tamoxifène de mon objectif de poids, je m’efforce d’être en bonne santé. Je me couche tôt, je mange bien, j’ai renoncé au sucre, je fais de la marche avec mon voisin et je fais des longueurs à la piscine municipale deux à trois fois par semaine. J’ai même commencé un cours de danse hebdomadaire d’une heure sur les chansons de Britney Spears avec une amie. Non, je ne supporte pas de me voir dans le miroir, mais oui, je synchronise mes lèvres sur les paroles de « Work Bitch » tout en gesticulant, et j’adore ça! Rien n’est simple en matière de cancer, pas même les brûlures d’estomac.
Je n’avais jamais souffert de reflux acide avant mon cancer du sein et pourtant, des années plus tard, je vis toujours avec ce problème. En effet, elles ne se limitent pas à ce que je mange ou à la façon dont je dors; elles sont liées à l’impact des traitements anticancéreux sur l’organisme. La chimiothérapie peut endommager la muqueuse du tractus gastro-intestinal, augmentant ainsi la sensibilité et réduisant la capacité à maintenir l’acide gastrique à sa place. La radiothérapie, en particulier lorsqu’elle est concentrée sur la poitrine, comme c’est souvent le cas pour le cancer du sein, peut provoquer une inflammation de l’œsophage. Les opérations chirurgicales comme celle que j’ai eue, qui touchent la poitrine et les ganglions lymphatiques, peuvent également entraîner des douleurs nerveuses persistantes ou des modifications anatomiques qui ont un impact sur la digestion. Dans un article publié sur BreastCancer.org, les médicaments, tels que les analgésiques et les anti-nauséeux — que j’avalais comme des Smarties pendant les traitements, et même les traitements hormonaux comme le tamoxifène — le pire médicament que j’ai jamais connu — peuvent contribuer aux problèmes digestifs, en ralentissant la digestion ou en affectant la façon dont le corps métabolise certains aliments, ce qui rend les brûlures d’estomac plus probables.
Il existe un lien physique entre l’intestin et le cerveau que le fait de vivre avec un cancer, y compris d’y survivre, peut également mettre en jeu. L’anxiété, la dépression et le syndrome post-traumatique peuvent intensifier les symptômes gastro-intestinaux : le cortisol et l’adrénaline perturbent la digestion, et lorsque je suis stressée — surtout à l’approche d’un scanner, d’un rendez-vous médical ou d’un changement corporel inattendu — mes brûlures d’estomac augmentent. Une étude réalisée en 2020 par l’Université de l’Alberta et publiée par Education & Research Archive me donne l’impression d’être un peu plus normale à ce sujet. Elle explique comment la fatigue liée au cancer et le stress psychologique peuvent influencer la gravité des symptômes digestifs, y compris le reflux acide, chez les survivant·es d’un cancer du sein.
On peut trouver de l’aide. Mon médecin généraliste continue de travailler avec moi pour trouver des solutions plus durables que les comprimés crayeux à la menthe que je mâche. Récemment, une autre femme impactée par le cancer du sein m’a parlé des ressources accessibles par l’intermédiaire de la Société canadienne du cancer, ainsi que des ateliers et des programmes de soutien adaptés qu’offre Wellspring aux personnes vivant avec des effets secondaires liés au cancer. J’envisage également d’utiliser un inhibiteur de la pompe à protons à faible dose pour mieux contrôler les brûlures et me procurer un soulagement. Je vous le ferai savoir si ça marche. Après tout, il faut bien que quelqu’un parle de ces particularités peu connues ou dont on discute peu! Dites-nous si vous souffrez de brûlures d’estomac et ce que vous faites pour y remédier. Nous profiterons toutes des connaissances et du pouvoir qui découleront d’un débat ouvert.
Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans IN Magazine, Living Luxe, 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca et AmongMen.com. Cette ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef des magazines Salon et Childview habite à Toronto avec ses deux chatons très gâtés, Murphy et Olive, qu’elle a recueillis. Vous pouvez la suivre sur Instagram (@AdrianaErmter).