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La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole


Le choix de notre système de soutien nous appartient

Dans notre rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein.

Par Adriana Ermter

J’ai perdu ma chatte, Trixie-Belle. Elle est morte l’année dernière, une semaine avant les vacances d’hiver, d’un carcinome épidermoïde, un type très agressif du cancer de la bouche. Mon vétérinaire n’a rien pu faire pour la sauver. Un matin, elle s’est réveillée avec une tache sur le palais, puis après avoir réalisé toutes les analyses possibles et inimaginables et pris un traitement médicamenteux, elle s’en est allée.

Je pense à elle tous les jours. Parfois, je la vois aussi, dans la pénombre du salon ou en boule sur son coussin, au bout du canapé, avec sa tête « écailles de tortue » renversée, le regard espiègle, comme si elle me tendait la patte tout en ronronnant. La nuit, quand je dors, je sens son corps tout doux se lover contre moi. Ça semble si réel... jusqu’à ce que je commence à mettre mon bras autour d’elle et que je me souvienne. Je mentirais si je disais que ce n’est pas dur. Elle me manque si profondément... je ressens ces émotions au plus profond de moi-même. Trixie n’était pas juste un chat, un animal domestique ou de compagnie. Elle était mon amour. Elle était mon système de soutien quand j’avais le cancer du sein.

Choisir un système de soutien

J’ai été une patiente ambulatoire pendant toute la durée de mon expérience avec le cancer du sein. C’est-à-dire que je n’ai pas été hospitalisée après mon opération ni pendant ma radiothérapie. De plus, j’ai dû vivre tout cela toute seule puisque je vis à Toronto et que toute ma famille vit à Calgary. Ma mère a bien offert de venir s’occuper de moi après mon opération, mais j’ai refusé. J’avais peur pour son bien-être et qu’elle ne puisse pas s’orienter dans la ville si nous avions besoin de quelque chose. Je lui ai donc plutôt suggéré de venir après, pendant ma radiothérapie.

En revanche, ma sœur cadette, Alida, m’a surprise en prenant l’avion et en restant avec moi pendant une semaine après mon opération. Je lui en serai toujours reconnaissante d’avoir quitté sa jeune famille pour venir me faire à manger — matin, midi et soir, me donner mes médicaments contre la douleur, me faire marcher un pas à la fois jusqu’au coin de la rue, préparer de la soupe pour la congeler en portions individuelles, me dire d’aller au lit ou de faire une sieste, et de façon plus générale, me donner toutes sortes d’ordres! C’est exactement ce dont j’avais besoin. Après son départ, même si quelques amis venaient me voir régulièrement, mon pilier principal c’était ma chatte, Trixie, qui était toujours à mes côtés et qui m’a donné énormément d’amour et de réconfort.

Trouver et avoir ce type de soutien lorsqu’on est atteinte d’un cancer du sein, que cela soit sa sœur, sa mère, une amie ou un animal bien-aimé est crucial pour sa santé mentale et physique. Ça nous procure du réconfort et une certaine constance pendant ce type de période changeante et souvent angoissante. Mais le plus important, c’est que le choix nous appartient : nous pouvons choisir qui nous voulons avoir à nos côtés jour après jour, et il n’y a pas de mauvais choix. Si j’avais toujours été marié, ç’aurait été mon mari; mais étant donné que j’étais célibataire, j’ai choisi Trixie. Ça paraît peut-être étrange, ou peut-être que ça ne l’est pas, de toutes les façons, ça n’a pas vraiment d’importance. J’ai choisi ma chatte et je n’ai pas à trouver des excuses pour ça.

Avantages d’un animal de compagnie lorsque l’on est malade

Quand j’ai appris que j’avais un cancer du sein, je venais de divorcer et je vivais seule. J’ai été choquée par cette nouvelle à laquelle je n’attendais vraiment pas : je ne répondais pas aux critères — j’étais une femme de moins de 50 ans, sans antécédent familial, non porteuse des gènes BRCA1 et BRCA2, je n’avais jamais subi de radiothérapie ni eu de cancer. De plus, six mois plus tôt, on m’avait dit que la grosseur que je sentais sous mon aisselle droite n’était rien. Le jour où on m’a dit que j’étais atteinte d’un cancer du sein de stade 1, j’ai quitté l’hôpital en état de choc. J’ai appelé mes sœurs, puis je suis retournée au bureau à pied et j’en ai parlé à une collègue. Ensuite, avec cette collègue, on est allées dans un bar où j’ai bu trois vodkas-martinis qui n’ont eu aucun effet, je suis retournée chez moi et je me suis assise dans mon fauteuil en velours vert avec Trixie sur les genoux pendant plus d’une heure. Et elle est restée là tout le temps.

Pendant les 18 mois qui ont suivi, Trixie a été un point de soutien aimant et quotidien. De par sa nature de chatte « écailles de tortue », elle était déjà très attachée à moi. Mais elle l’a encore plus été après mon diagnostic et pendant toute la durée du traitement — opération, radiothérapie, convalescence et traitement au Tamoxifène. Quand je me levais de mon lit pour aller me coucher sur le canapé, elle me suivait sans broncher. Le matin, quand je méditais, elle s’allongeait sur mon cœur et mettait son ventre ou sa tête près de mon visage, en me regardant les yeux semi-ouverts. Lorsque des amis venaient me rendre visite ou m’apporter un repas qu’ils avaient préparé, elle se couchait patiemment à côté de moi jusqu’à ce qu’elle sente qu’il était temps qu’ils partent. Elle se levait alors, s’étirait et allait s’asseoir devant eux en les fixant des yeux. Si elle avait pu parler, elle aurait sûrement dit : c’est l’heure, partez! Sa loyauté et son dévouement envers moi étaient si profonds.

Toute personne atteinte d’un cancer devrait bénéficier de ce genre d’attention, même si cela vient de la part d’une boule de poils. Ça permet de ne pas sentir seule. Ça met du baume à l’âme et ça apaise l’esprit. Ça permet de penser à quelqu’un d’autre que soi et de ne pas laisser le cancer envahir sa vie et la restreindre. Si je n’ai jamais pleuré à cause du fait d’avoir le cancer, j’exprimais tout le temps mes émotions à voix haute. Si Trixie n’avait pas été là, je les aurais exprimées dans le vide et ça n’aurait pas eu le même effet. Alors oui, c’était une chatte bavarde qui pouvait répondre par un « miaou » de temps en temps, mais ce n’est pas ce que j’attendais! Ce que je voulais, c’est que quelqu’un m’écoute et c’est ce rôle qu’elle remplissait.

Faire son deuil

Quand j’ai vu Trixie pour la première fois, c’était un chaton tout maigre avec un fil en guise de queue. Elle avait été recueillie dans la rue par l’organisme Abbey Cat Adoptions. Une fois les démarches de l’adoption terminées, ils l’ont amenée chez moi. Quand ils ont ouvert sa cage pour la laisser sortir, Trixie m’a regardée droit dans les yeux, est venue vers moi sans hésitation et a sauté sur moi. La dame qui l’a amenée m’a dit qu’elle n’avait jamais vu Trixie aussi attirée par quelqu’un. Et c’est ce jour-là que Trixie et moi sommes devenues liées pour toujours!

Durant les 16 années que nous avons partagées, Trixie a participé à mes soirées-filles, m’a fait savoir quels amis elle aimait (quelques-uns), adorait (peu) et tolérait (beaucoup). Elle a rencontré les hommes avec qui je suis sortie, accueilli l’homme avec qui je suis tombée amoureuse et me suis mariée. Elle a choisi son camp (le mien) quand on s’est séparés et m’a laissé pleurer toutes les larmes de mon corps sur son pelage pendant des mois pendant notre divorce. Malgré son caractère, lorsque l’on est parties de la seule maison qu’elle n’avait jamais connue et que l’on a emménagé dans notre condo, elle l’a tout de suite accepté et a dormi avec moi par terre la première nuit parce que mon lit n’était pas encore arrivé. Grâce à sa présence, je me suis tout de suite sentie chez moi.

Drôle, intelligente, espiègle, douce... Trixie pouvait avoir un million d’expressions pour véhiculer son humeur et ses pensées. À plusieurs reprises, pendant mon cancer, lorsque j’étais trop fatiguée pour regarder la télévision ou lire, mais que j’avais trop mal pour dormir, elle s’allongeait près de moi en ronronnant très fort, l’air satisfait. Son ronronnement et sa présence m’apaisaient. Et, encore plus important, lorsque le traitement est devenu vraiment lourd et que j’étais exténuée, nauséeuse et terrassée par les maux de tête, elle était ma raison de me lever le matin et de continuer à vivre. Grâce à mon amour inconditionnel pour elle, je suis devenue plus patiente envers moi-même et j’ai appris à m’aimer davantage. Et ce, même si j’ai encore du mal à accepter et à surmonter les changements liés au cancer.

Cela fait près de huit mois maintenant et je ne sais pas si je pourrais avoir une autre histoire d’amour avec un chat comme celle que j’ai eue avec Trixie. Récemment, j’ai adopté deux chats, Murphy et Olive. Je les aime de tout mon cœur. C’est un amour bien réel, solide et fort, mais il est différent de celui que j’avais pour Trixie. Ils font partie de ma famille maintenant et doivent se mesurer aux formidables souvenirs laissés par Trixie.

Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Figure Skater Fitness et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec ses deux chatons, Murphy et Olive. Vous pouvez la suivre sur Instagram (@AdrianaErmter).