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La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole


À la mémoire de Lorraine

Par Chrisanne Pennimpede

Notre mère a eu un cancer du sein dans la cinquantaine, ce qui augmentait le risque, pour ses filles, de développer un cancer du sein à leur tour. En 2005, ma sœur, Lorraine Smith, qui avait alors 41 ans, s’est inscrite à un programme de dépistage précoce du cancer du sein qui lui a fait faire sa toute première mammographie. À l’époque, les résultats des mammographies n’étaient pas divulgués aux patientes; on ne leur donnait aucune information sur la densité mammaire et on ne leur expliquait pas ce que c’était. En 2015, Lorraine a demandé à voir les résultats de ces mammographies et c’est à ce moment qu’elle a appris que plus le tissu mammaire est dense, plus il est difficile de détecter les tumeurs cancéreuses, et ce, quelle que soit leur taille. Les femmes dont le tissu mammaire est dense et très hétérogène ont tout intérêt à faire des examens complémentaires, comme une échographie bilatérale et une IRM des seins.

En 2012, Lorraine a fait une mammographie qui a révélé la présence de calcification dans son sein droit et un tissu mammaire qualifié d’extrêmement dense. Il n’y avait aucune masse; rien n’a été fait. En 2013, Lorraine a fait une autre mammographie suivie d’une échographie du sein droit, dont les résultats ont nécessité une microbiopsie. La microbiopsie ayant révélé la présence d’un carcinome lobulaire in situ, Lorraine a été référée à un chirurgien oncologiste. Bien que le carcinome lobulaire in situ ne soit pas considéré comme un cancer, mais comme une accumulation de cellules anormales, il augmente le risque de développer un cancer du sein invasif. Malgré l’extrême densité du tissu mammaire de Lorraine — où les tumeurs pouvaient facilement se cacher — et de son diagnostic de carcinome lobulaire in situ, le chirurgien n’a pas jugé bon de l’envoyer faire une IRM des seins. Elle a simplement subi une tumorectomie sur le sein droit afin d’écarter la présence d’un carcinome lobulaire infiltrant. En janvier 2014, le rapport opératoire de pathologie a confirmé la présence d’un carcinome lobulaire in situ et l’absence d’un carcinome lobulaire infiltrant. Le chirurgien a recommandé qu’elle continue de faire des mammographies et des examens mammaires régulièrement. Il l’a référée à un(e) oncologue médical(e) pour qu’on lui prescrive un traitement antihormonal. Lorraine a demandé au chirurgien si elle devait envisager une mastectomie bilatérale en raison des nodules trouvés dans son sein gauche, ce à quoi le chirurgien lui a répondu que ce n’était pas nécessaire et que ce serait du surtraitement.

En février 2014, Lorraine a rencontré une oncologue médicale afin de lui présenter son cas et de discuter des traitements disponibles contre le carcinome lobulaire in situ. Elle lui a parlé des deux nodules et lui a demandé s’il valait mieux qu’elle fasse une double mastectomie pour éliminer tout risque de développer un cancer du sein. L’oncologue lui a dit qu’elle comprenait ses inquiétudes, mais qu’il s’agissait juste de kystes et qu’une mastectomie bilatérale serait du surtraitement. À l’été 2014, Lorraine a senti une grosseur dans son sein gauche et a pu faire une mammographie en novembre. Une mammographie et une échographie ont alors confirmé la présence de deux masses dans son sein gauche. Il semble que les deux nodules qui avaient été jugés bénins étaient, en réalité, cancéreux. En janvier 2015, il a été confirmé que Lorraine avait un carcinome canalaire infiltrant. Les choses se sont alors accélérées et ma sœur a revu le même chirurgien, qui a recommandé une mastectomie bilatérale, ainsi que la même oncologue, pour des examens supplémentaires. En mars, Lorraine a insisté pour qu’on lui fasse une biopsie du ganglion sentinelle et une scintigraphie osseuse avant l’opération. La scintigraphie n’a montré aucun signe de cancer, mais la biopsie a montré qu’une faible quantité de cellules cancéreuses s’étaient propagées à deux des quatre ganglions lymphatiques.

Comme on ne connaissait pas l’étendue de la propagation du cancer et que la perspective d’une chimiothérapie et d’une radiothérapie se profilait à l’horizon, Lorraine savait qu’elle devrait se battre pour survivre et faire tout ce qu’il fallait pour y parvenir. Après la biopsie, elle a donc subi une double mastectomie suivie d’une reconstruction mammaire. En avril, on lui a fait faire un tomodensitogramme (TDM) afin de s’assurer que le cancer ne s’était pas davantage propagé. L’oncologue lui a alors appris que quelque chose était apparu au niveau de sa colonne vertébrale et qu’il fallait qu’elle commence la chimiothérapie. N’étant pas satisfaite des résultats du TDM, Lorraine a demandé de faire un TEP-TDM avant de commencer la chimiothérapie. Le TEP-TDM a confirmé la présence de métastases au niveau de la colonne vertébrale, de la surface postérieure de l’os iliaque gauche et du sternum. En mai 2015. Elle a commencé à prendre du clodronate, puis à la fin du mois, du tamoxifène et de la goséréline. La chimiothérapie et la radiothérapie avaient finalement été abandonnées. Lorraine a ensuite participé à un essai clinique pour le ribociclib, un inhibiteur de CDK 4/6. Comme il s’agissait d’un essai en double-aveugle, elle ne pouvait pas savoir si on lui avait donné le médicament ou un placebo. On a finalement supposé qu’elle avait reçu le médicament à cause des effets secondaires qu’elle a développés par la suite. Elle a ensuite vu un autre oncologue afin de passer à Xgeva; qu’elle a obtenu gratuitement pour raisons humanitaires. Elle était toujours sous tamoxifène, ribociclib et goséréline. En septembre, un TEP-TDM a montré que le cancer continuait à se propager. Elle a arrêté le ribociclib et le tamoxifène, mais continué Xgeva et la goséréline, et a commencé à prendre du létrozole. En novembre 2015, un autre TEP-TDM a montré que son état s’était plus ou moins stabilisé, et elle est restée stable de 2016 à l’automne 2018.

En mars 2018, un nouveau TEP-TDM a montré qu’il y avait une faible croissance des cellules cancéreuses sur la vertèbre L5. Son état est resté stable jusqu’à octobre, moment auquel on a remplacé l’expandeur qui avait été posé dans son sein gauche par un implant mammaire. Peu après l’opération, ses marqueurs tumoraux ont commencé à augmenter. En mars 2019, un TDM a montré qu’elle avait des tumeurs dans les poumons, le foie et la région axillaire (aisselles, flancs). Son oncologue l’a mise sous fulvestrant et a accepté qu’elle continue le létrozole et Xgeva. En août, un TDM a montré une augmentation des cellules cancéreuses dans le foie et ailleurs, et en septembre, on la mise sous capécitabine (Xeloda; un médicament de chimiothérapie).

Lorraine savait que ses options étaient limitées. Son cancer commençait à résister aux traitements hormonaux et elle devrait bientôt commencer de la chimiothérapie par voie intraveineuse, ce qui réduirait considérablement sa qualité et son espérance de vie. Elle a entrepris de faire des recherches sur les nouveaux traitements disponibles. Grâce à ses recherches, elle a appris qu’il fallait qu’elle fasse une biopsie de son foie pour faire un dépistage génomique, notamment à l’aide de la technologie CARIS. Elle a également contacté le centre Cancer Treatment Options and Management (CTOAM), à Vancouver (C.-B.), afin d’obtenir un troisième avis. Pendant qu’elle attendait de pouvoir faire une biopsie du foie, un test CARIS a été réalisé sur la tumeur d’origine et a révélé la présence d’une mutation génétique conductrice inhabituelle. En 2019, la biopsie du foie n’a montré aucun changement dans le type de cancer et un échantillon a été envoyé à CARIS pour la réalisation d’un second dépistage génomique.

Lorraine a contacté le Réseau canadien du cancer du sein pour savoir comment avoir accès à l’abémaciclib gratuitement pour des raisons humanitaires. Elle savait qu’elle disposait d’un temps limité pour en bénéficier. Le centre CTOAM a réalisé un deuxième séquençage qui a révélé deux nouvelles mutations, lesquelles pouvaient toutes les deux faire l’objet d’un traitement ciblé. En janvier 2020, Lorraine a commencé à souffrir des effets secondaires de la capécitabine. En mars, sur les recommandations du centre CTOAM, son oncologue accepta de la mettre sous fulvestrant, abémaciclib et Xgeva. En mai, ses marqueurs tumoraux avaient diminué et ont continué dans cette voie. En juillet, un TDM a montré que ses ganglions lymphatiques avaient diminué de 50 %, et que les tumeurs aux poumons et au foie avaient également diminué. De plus, une réduction des métastases dans la région axillaire, le foie et les poumons ainsi que des signes de guérison osseuse ont été constatés. En janvier 2021, ses marqueurs tumoraux avaient encore diminué. Malheureusement, en 2022, les marqueurs tumoraux au niveau de son foie avaient augmenté et la chimiothérapie représentait la seule option thérapeutique. Lorraine est allée à une séance de chimiothérapie, mais elle savait déjà qu’elle ne voulait pas en faire. Elle a fait de son mieux et puis, dans la vie, on ne peut pas tout contrôler. Elle accordait beaucoup d’importance à sa qualité de vie. Elle a donc décidé de ne pas continuer la chimiothérapie et nous a quittés le 3 décembre 2022.

C’est un mauvais diagnostic initial qui est à l’origine du périple qu’a vécu Lorraine. Même si elle ne manquait jamais de faire ses mammographies annuelles, on ne lui a jamais dit qu’elle avait des seins denses, ce qui aurait nécessité des examens complémentaires. Elle restera cette femme qui s’est battue pour recevoir les meilleurs soins et qui encourage à remettre en question les décisions médicales et à se battre pour une prise en charge optimale. Nous pensons qu’elle a mis en lumière le manque d’information des patientes sur la densité mammaire, ce qui a eu pour conséquence qu’aujourd’hui, ces informations sont fournies à la suite des mammographies. Si vous avez des seins denses, s’il vous plaît, en mémoire de Lorraine, insistez pour que l’on vous fasse faire des examens complémentaires.