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La voix des personnes atteintes d'un cancer du sein

Éducation

blogue À nous la parole

Les points de vue et les expériences exprimés à travers les histoires personnelles sur le blog Our Voices sont ceux des auteurs et de leurs expériences vécues. Ils ne reflètent pas nécessairement la position du Réseau canadien du cancer du sein. Les informations fournies n’ont pas été examinées médicalement et ne sont pas destinées à remplacer un avis médical professionnel. Demandez toujours conseil à votre équipe de soins lorsque vous envisagez vos plans et objectifs de traitement.

Être parent en plein traumatisme

Par Rebecca Wulkan

Mon aîné a 17 ans et quatre frères de 14, 10 et 6 ans (des jumeaux). Je n’affirme pas être une experte en parentalité, mais je possède suffisamment d’expérience maintenant pour connaître une chose ou deux sur le sujet.

Au fil des années, j’ai adoré en apprendre davantage sur la théorie des systèmes, les systèmes familiaux en particulier.

Avant de vous exclamer que c’est ennuyeux et de vous sauver à toute vitesse, donnez-moi la chance de vous expliquer.

Dans un système, nous nous influençons tous les uns les autres. Si vous vous êtes déjà réveillée auprès d’un(e) conjoint(e) grincheux(-euse) ou travaillé avec un(e) collègue malheureux(-euse), vous savez comment on se sent lorsque l’humeur d’une personne déteint sur nous. Si c’est vous qui vous êtes levée du pied gauche, je peux vous assurer que tout votre entourage en subira les conséquences. Peu importe le système auquel nous participons, nous sommes tous touchés d’une quelconque façon par les gens que nous côtoyons.

Alors, qu’arrive-t-il dans une maisonnée de sept personnes quand un sale diagnostic de cancer entre en scène ? Le système s’écroule. Il y a trop d’anxiété pour qu’il puisse tout endiguer et nous finissons par sauter à la gorge l’un de l’autre.

J’ai reçu un premier appel du médecin en juin 2020. C’est lui qui m’a confirmé que ma biopsie indiquait la présence de cellules cancéreuses. Mon cœur s’est emballé, mon estomac s’est noué et je ne voulais qu’une chose : me coucher en boule sur mon lit. Mais j’avais cinq enfants à nourrir. Cinq enfants à materner. Cinq enfants dont la vie ne serait plus la même après leur avoir communiqué la mauvaise nouvelle. Je devais non seulement gérer mon propre chagrin, mais aussi aider six autres personnes à gérer le leur. Et dès l’annonce de mon diagnostic, notre système a changé.

Apprendre aux enfants que leur mère avait le cancer a été terrible. Mon mari et moi avons répondu à tour de rôle aux questions, mais il s’avérait impossible d’ignorer que le chagrin et la peur avaient instantanément pris le dessus. Au cours du mois qui a suivi, nous avons tous marché sur des œufs. Les enfants ne se sentaient pas tout à fait à l’aise avec moi, je n’étais pas à l’aise avec moi-même et mon mari était mal à l’aise avec tout. Les chicanes éclataient et la patience se faisait rare. Notre système commençait à défaillir.

Comme avec tout nouveau diagnostic, les rendez-vous chez le médecin, les prises de sang et les scintigraphies sont devenus une habitude. J’ai eu l’impression d’enlever mon chandail devant et pour tout le monde pendant ces quelques semaines. Lors d’un de ces rendez-vous (ma tomographie par émission de positons pour être précise), nous avons appris que mon cancer s’était propagé à mes os.

Défaillance du système !

En deux jours, j’ai passé quatre heures au téléphone avec mon oncologue et j’en ai profité pour lui demander comment annoncer à mes enfants que leur mère se meurt. Elle m’a répondu : « Dites-leur simplement la vérité. »

Cette réunion de famille ne s’est pas très bien déroulée. Je ne leur ai pas révélé que je mourais, mais je leur ai dit que ma maladie était maintenant incurable… qu’on ne pouvait que la traiter et que j’aurais le cancer pour le restant de ma vie.

En tant que mère, au centre de ce système, en tant que pilier de la famille, j’ai dû afficher mon chagrin en essuyant les larmes de mes enfants. Je devais devenir vulnérable et admettre ma faiblesse pour égaler leur douleur. Ils m’ont détestée d’avoir agi ainsi. Ils détestaient le fait que je sois malade. Ils détestaient le fait que je ne pouvais pas guérir. Ils détestaient l’idée qu’un jour, je ne serais plus là.

Les mois suivants ont été durs. Horribles en fait. On vit un traumatisme et un trouble de stress post-traumatique à la maison et nous devons composer avec des problèmes d’anxiété qui détruisent le moral. Mais avec le temps, quelque chose de différent est apparu au sein de notre système familial. Nous avons remarqué que lorsqu’un membre de la famille sourit, les autres sourient également. Lorsqu’un de nous rit, nous rions tous. Lorsqu’une personne admet se sentir triste, nous nous rassemblons pour nous étreindre et pleurer ensemble. Lorsqu’un de nous fait preuve de vulnérabilité, les autres manifestent de la clémence. Et c’est ce qui transforme notre traumatisme et notre anxiété en quelque chose de nouveau et même de vivifiant : un système familial qui travaille pour le bien de ses membres.

Lorsque je peux être une mère calme et proche de ses enfants, je reprends le volant et j’emmène la famille sur des chemins moins tortueux. Lorsque j’affiche ma tristesse, je leur offre la possibilité d’apprendre ce qu’est l’empathie. Lorsque je leur donne la permission d’être en colère, je leur laisse l’espace nécessaire pour faire leur deuil.

Notre système familial devient tranquillement un système qui favorise l’éducation et la curiosité. Un endroit de croissance et d’exploration. Un endroit où vivre les échecs, mais également où faire preuve de clémence et de compassion. Et au fur et à mesure que nos craintes diminuent, nous parvenons à nous influencer les uns les autres de façon positive et magnifique. Nous construisons un système suffisamment solide pour résister à toute tempête.