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La Voix Des Personnes Atteintes D'un Cancer Du Sein

Éducation

blogue À nous la parole


Le tamoxifène me sauve la vie, mais détruit mon estime personnelle

Dans cette nouvelle rubrique mensuelle, la rédactrice en chef et auteure Adriana Ermter raconte son expérience du cancer du sein

Par Adriana Ermter

Je pourrais pleurer en écrivant ceci. Ou peut-être que hurler pendant cinq minutes la tête enfouie dans un oreiller pour ne pas me faire entendre des voisins serait mieux. L’insonorisation de mon condominium laisse à désirer. D’une façon ou d’une autre, ma réalité n’est pas près de changer. Et par réalité, je veux dire mon corps et le surplus de poids que je traîne depuis que j’ai commencé à prendre du tamoxifène il y a un an.

Certes, le tamoxifène contribue à soigner mon cancer du sein en empêchant d’autres cellules cancéreuses de se développer dans les deux nouvelles bosses apparues dans mon sein droit. Je sais que cela fonctionne. Tous les trois mois, les médecins effectuent une biopsie de mes tumeurs pour s’assurer qu’elles demeurent bénignes. J’en suis reconnaissante, bien évidemment. Je parviens même à accorder mon pardon à ce médicament qui, en freinant ma production d’œstrogène, m’a projetée dans une ménopause précoce. Mon dernier espoir d’avoir une famille s’en trouve détruit. Je me réveille maintenant en nage la nuit, traversée par des bouffées de chaleur insoutenables et imprévisibles. Au saut du lit, je dois soulager mes articulations raides. Je peux passer outre à tout cela. Je peux même surmonter la somnolence, le cerveau embrumé, la vision floue, la libido perdue et tout ce qu’il choisira de mettre sur mon chemin pour les cinq à dix prochaines années, soit jusqu’à ce que mon ordonnance expire. Mais la prise de poids ? Voyons donc !

Obtenir une vue d’ensemble

Je ne parle habituellement pas de mon poids. J’essaie aussi de me faire un point d’honneur de ne pas penser à mes nouvelles courbes. Je dois cependant admettre que tous les lundis à 6 h 30, je monte sur mon pèse-personne pour voir si mon derrière digne d’une Kardashian s’est alourdi d’une autre livre. Le nombre qui apparaît dicte ma réaction : soit je relaxe, soit mes émotions prennent le dessus. Je sais ; il ne s’agit pas du comportement le plus sain.

En février dernier, alors que je préparais mes valises pour un voyage au Mexique, j’ai dû ouvrir le tiroir de ma commode qui contient les 17 bikinis et une-pièce à la mode que j’aimais porter. Je les ai essayés devant le miroir en pied de ma chambre à coucher. Les yeux ouverts. Aucun maillot ne faisait, du moins pas à mon avis. Je ne voyais que la cicatrice de quatre pouces qui traverse mon aisselle et mon sein droits et la plaque de peau brûlée qu’il y a autour. Les maillots de bain cachaient les minuscules cicatrices qui témoignent des nombreuses biopsies effectuées partout sur mes deux seins, mais si vous savez où regarder (moi je le sais), vous pouvez apercevoir au moins deux tatouages bleu-noir en forme de points sur ma poitrine qui me rappelleront à jamais les plus de trente-cinq séances de radiothérapie auxquelles j’ai dû me soumettre. C’est en clignant des yeux pour retenir mes larmes de colère et de honte que j’ai lancé deux une-pièce dans ma valise avant de la fermer.

La fermeture éclair de mon jeans moulant Levis préféré n’a pas aussi bien collaboré alors que je cherchais des vêtements (pantalon et chemisier) qui avantageaient ma silhouette pour un rendez-vous plus tôt cette année. Parmi toutes les biographies des applications de rencontre qui avaient reçu un « j’aime » de ma part, un seul de ces inconnus avait aimé ma biographie en retour. Pour cette rencontre dans un café, j’ai fini par revêtir un tricot ample assorti à une vieille paire de jeans qui avait toujours été trop grande. J’ai compensé en n’y allant pas de main morte en ce qui concerne ma coiffure et mon maquillage. Un deuxième rendez-vous pour un verre de vin a été fixé, mais pas un troisième.

Nous sommes rencontrés à un petit restaurant à deux pas de chez lui. Nous avons jasé pendant une heure avant qu’il ne doive partir à la fête d’anniversaire d’un ami. La conversation semblait bien se dérouler et il m’a même confié à quel point il voulait une relation à long terme. Mais lorsque j’ai refusé son invitation à aller prendre un autre verre chez lui avec un « non » sans appel, j’ai su que je me remettrais à chercher en ligne. Pendant tout le trajet en tramway jusque chez moi, des pensées tournaient en boucle dans ma tête : je maudissais silencieusement le minable, puis je m’en voulais d’être trop grasse pour être digne d’une éventuelle véritable relation.

Et il y a eu novembre dernier. Mon ancien amoureux préféré m’a contactée sur Facebook. Il était en ville dans le cadre de son emploi. Nous nous sommes donné rendez-vous pour un souper après plus d’une décennie de silence radio. J’étais super excitée de le revoir. Je l’avais beaucoup aimé pendant ma jeune vingtaine et une petite parcelle de moi a jonglé avec l’idée d’un « et si… ». Mais lorsque ses yeux ont croisé les miens au restaurant, il n’est pas parvenu à cacher son choc. Je l’avais averti à propos de mon cancer et de ma prise de poids et il avait eu la gentillesse d’en faire peu de cas. En personne par contre, même lorsque nous évoquions des souvenirs et riions, son langage corporel trahissait son dégoût de ce qu’il voyait. Toute possibilité de « et si… » s’est volatilisée ce soir-là. Je sais que c’est ridicule, mais je continue à juger que mon corps est coupable. Le tamoxifène me sauve la vie, mais il tue mon estime personnelle.

Évaluer ma nouvelle perception de soi

Peut-être que mes actions relèvent d’une dichotomie bizarre entre le masochisme et le déni. Peut-être que, si j’étais encore une épouse heureuse, je serais en mesure de faire la paix avec ma nouvelle apparence, mais ce n’est pas le cas et j’en suis incapable. Je suis célibataire. Je désire me sentir bien et en confiance pour attirer la bonne personne. J’ai même ajouté mon profil sur plus d’une application de rencontre promettant la meilleure relation amoureuse. Si seulement je pouvais regagner la confiance que j’avais avant mon diagnostic de cancer du sein.

Je suis consciente de notre environnement bombardé d’images léchées en haute résolution qui sont saisies et mises en valeur dans des vidéos Snapchat de dix secondes, des petites vignettes Instagram et des chorégraphies TikTok. Nous sommes jugées avant même d’être connues. Bien que j’accepte le fait qu’il sera difficile pour moi de trouver le courage nécessaire pour dévoiler à un amoureux potentiel ce que j’ai vécu et ultérieurement de me dévêtir et de révéler mon sein droit malmené, j’ai encore plus peur d’être rejetée au premier regard.

J’étais jolie avant le cancer. Pour être parfaitement honnête, j’étais jolie avant mon divorce. La période de temps entre mon divorce et mon diagnostic de cancer étant relativement courte, je suppose que ces deux affirmations reviennent au même. Quoi qu’il en soit, mon apparence me plaisait davantage à cette époque. 

Quitter l’homme auquel je m’étais unie pour la vie et que j’avais tant aimé — même si je ne le reconnaissais plus après qu’il m’a dit les mots : « Je ne t’aime plus » — m’a épuisée. Accablée d’une tristesse insoutenable qui ne me quitterait plus (du moins, c’est ce que je croyais), j’ai constaté l’apparition de nouvelles rides autour de mes yeux. Chaque jour, pendant douze mois, j’ai englouti de la crème glacée Häagen-Dazs à la pâte à biscuits. J’ai aussi pris vingt livres.

Lorsque j’ai reçu mon diagnostic de cancer du sein, j’étais en train de me débarrasser de ce poids mental et physique grâce au CrossFit et au SoulCycle. L’année suivante a été caractérisée par une intervention chirurgicale et un traitement. Je travaillais comme une morte vivante (mon employeur n’offrait pas de prestations d’invalidité de courte durée et j’avais utilisé tous mes jours de congé de vacances et de maladie pour mes rendez-vous médicaux et mon opération) et je dormais à la moindre minute libre dans une journée. À cela, il faut ajouter la prise de tamoxifène et voilà ! Les vingt livres, moins les dix perdues en m’entraînant, sont devenues trente. Je suis maintenant grasse, j’ai mal et j’ai honte de mon apparence et de la façon dont je me sens.

Tenter d’aller de l’avant

Je ne veux pas être cette personne préoccupée par son apparence, qui évite les miroirs en pied. J’essaie d’être indulgente envers moi-même. Je médite presque tous les matins, je mange de la nourriture saine et je fais ce que j’aime : être auteure, éditrice et entraîneuse de nage synchronisée. Un jour, je retournerai même dans la piscine et cela deviendra un élément de ma routine hebdomadaire. Mon temps libre est occupé par de bons livres, des câlins avec mon chat et des soirées entre filles durant lesquelles les meilleures amies qu’une femme puisse avoir s’assoient sur mon canapé, habillées en mou, pour regarder en rafale la dernière saison de Vanderpump Rules. Récemment, j’ai créé une composition de cadres sur un mur de ma chambre. Maintenant, lorsque je me couche le soir, je peux profiter d’une galerie conçue sur mesure.

J’essaie de vivre une journée à la fois. Je consigne dans un journal la honte de mon corps. Les mots, en particulier la répétition d’affirmations positives, me réconfortent. Certains jours s’avèrent meilleurs que d’autres, certes, mais mon verre est à moitié plein. Au moins, je n’ai pas perdu mon optimisme inébranlable. Je caresse même l’espoir d’une autre rencontre. Si j’arrive à aller de l’avant, à voir le bon côté des choses, je crois pouvoir surmonter cette épreuve. Alors nous verrons.

Le tamoxifène et moi demeurons dans une relation amour-haine qui est sans contredit plus complexe à accepter physiquement et émotionnellement que ce que j’aurais pu imaginer. Le cancer du sein ne disparaît pas une fois l’opération pratiquée avec succès et les tumeurs retirées. Ses conséquences laissent une marque indélébile sur votre corps, dans votre tête et dans votre âme. C’est du moins le cas pour moi. Je sais que je ne serai plus jamais la même femme et que, à certains égards, je me suis renouvelée et améliorée. À d’autres égards, je n’en suis encore qu’au début et je ne sais pas où cette route me mènera.

Adriana Ermter est une auteure et rédactrice primée. Vous pouvez lire ses écrits dans Figure Skater Fitness, Canadian Hairdresser et IN Magazine, ainsi qu’en ligne sur les sites 29Secrets.com, RethinkBreastCancer.ca, Popsugar.com et AmongMen.com. L’ancienne chroniqueuse beauté du magazine FASHION et rédactrice en chef de Salon et Childview habite à Toronto avec sa chatte très gâtée Trixie-Belle. Vous pouvez la suivre sur Instagram au @AdrianaErmter, au Twitter @AErmter